Le dessin de modèle vivant nu

Les dessous des poses

Drink & Draw - Modèle vivant

On s’en rappelle avec émotion, le 22 juillet 2019, le PAON organisait son premier Drink & Draw, un apéro revisité autour d’une session de dessin de modèle vivant qu’on a organisé chez nous, comme ça, pour voir… Nous n’avons évidemment pas coupé à quelques remarques un peu maladroites (mais innocentes) d’ami.e.s qui nous voyaient, intrigué.e.s, nous lancer dans ce qu’ils considéraient être une incongruité : “tu vas accueillir une inconnue qui va se mettre toute nue chez toi ?” “et cette personne, c’est son métier ?”

Des dizaines d’ateliers plus tard, une chose est sûre, le concept plaît aux personnes qui s’y risquent, mais reste… f(l)ou pour celles qui n’ont pas encore sauté le pas. 

Ce n’est pourtant pas un hasard si le modèle vivant est une des toutes premières briques que nous avons posé pour construire le PAON. Depuis l’antiquité, l’étude du corps humain est un passage obligé pour tous les apprentis qui souhaitent se lancer dans les arts plastiques. Tous les grands maîtres prestigieux organisaient, dans leurs ateliers, de longues séances de poses nues qui pouvaient durer plusieurs semaines. 

Cela ne nous en dit pas plus sur le métier de modèle qui garde un voile de mystère pour tous les artistes en puissance et avérés que nous sommes. Et puisqu’ils sont l’âme de ces séances qui nous font tant de bien, on leur a posé quelques questions pour mettre fin à quatre idées préconçues que l’on peut avoir de la profession. 

 

1ère idée reçue : « Un petit boulot pour compléter ses revenus » 

Mmm « petit » déjà, ce n’est pas le mot. Être modèle, c’est parfois enchaîner « jusqu’à 50 heures de poses par semaine, sans compter la course pour se rendre d’un atelier à l’autre », nous a confié un jour Déborah, modèle à plein temps, lors de notre première discussion. 

Et si ce n’est pas toujours un métier à plein temps, il a souvent un sens par rapport à une personnalité, ou une activité principale. Etienne, comédien, premier assistant réalisateur et modèle, nous explique « j’ai commencé à poser quand j’ai fini mes études de théâtre. Je voulais avoir un maximum d’expériences variées dans la représentation pour nourrir mon métier de comédien. Je fais aussi du stand-up, de l’impro, des courts-métrages, etc. Quand je suis modèle, je ne joue pas un rôle actif mais il y a un premier niveau de représentation de soi ». 

C’est en tout cas un métier de passion pour tous ceux avec qui nous nous sommes entretenues. Cyrielle, qui s’est lancée à plein temps après avoir cumulé cette activité avec d’autres, nous raconte « depuis que je fais ça, je sais que je veux le faire toute ma vie. quand j’étais office manager et que je ne posais pas pendant une semaine entière, ça me manquait ». 

Pour Maud, son métier de modèle est loin d’un petit boulot, c’est une forme d’engagement : « Je pose pour moi, pour mon histoire, pour les gens. Je représente un genre, un type de corps que j’expose et qui est là, avec ses imperfections. J’impose qu’on m’accepte comme je suis. C’est un moyen sain de promouvoir la diversité des corps, l’ouverture d’esprit, l’acceptation de soi même. »

2ème idée reçue : « un étrange rapport à la nudité »

On le concède, ce n’est pas donné à tout le monde de se mettre nu.e devant une assemblée. 

Mais, rappelons-le, il y a un contexte : « à partir du moment où le but est de restituer un point de vue artistique, ça ne me dérange pas » énonce très simplement Etienne. Et puis finalement, « le regard d’un artiste, c’est finalement aussi froid que celui d’un médecin qui analyse un corps » explique Cyrielle. 

Au delà des petites appréhensions qui peuvent exister en se déshabillant, Etienne, Maud et Cyrielle aiment être nu.e.s. Ils l’affirment d’entrée de jeu. Mais il y a plus. « Être modèle vivant a pour moi contribué fortement à un processus de dessexualisation. Ça m’a permis de me libérer de toute attente sexualisée que l’on peut te coller dans la société, et ça a constitué un énorme cap dans ma relation avec moi même, avec les autres » raconte Maud.

Etienne_Jeannot

Le modèle @etiennejeannot25 par @val.en.thym

3ème idée reçue : “Un métier uniquement centré sur le corps”

Etre modèle, c’est physique, personne ne vous contredira. Il y a même un challenge, lorsqu’on est modèle, à tenir des poses “difficiles” pour la beauté du geste. Tous ont d’ailleurs tenté des postures un peu trop ambitieuse à leurs débuts, avec à la clé une crampe d’anthologie qu’ils racontent avec le sourire : « la première fois que j’ai posé, j’ai voulu mettre ma tête en arrière. C’était une pose en duo, et mon partenaire plus expérimenté m’a sourit en disant “je pense que tu vas avoir mal au cou”. On a effectivement un peu abrégé la pose ! » raconte Cyrielle.

Mais c’est aussi pour beaucoup un moment de méditation, parfois même de “conscience altérée, ou d’hyper conscience du bruit, des gens de l’énergie qui nous entoure” explique Maud. Etienne ajoute : « Ce que j’adore, c’est ce rapport au temps étiré. Rien à voir avec mon activité d’assistant réalisateur dans lequel je cours toujours après la montre pour respecter les temps de tournage ».

4ème idée reçue : “Une expérience à sens unique”

Finalement, dessinateurs amateurs et expérimentés s’accordent à dire que le dessin de modèle vivant est une expérience géniale. Mais tous ne savent pas qu’elle l’est aussi pour le modèle. Comme un dessinateur peut sortir d’un drink & draw en disant “le.la modèle était génial.e, très inspirant.e”, le.la modèle ressent une énergie qui se dégage de la concentration et de l’âme que l’on met dans nos dessins. Et quand l’énergie est bonne, le.la modèle en sort tout aussi satisfait que les dessinateurs. Etienne raconte d’ailleurs : “Je suis souvent encore surpris lorsque l’on me remercie à la fin d’une séance. Après tout c’est surtout le dessinateur qui travaille”. 

Alors continuons à nous remercier mutuellement : let’s drink and draw!

En savoir plus sur les modèles cités dans cet article :

→ Maud Gamelon est modèle et commence cette année une formation de masseuse. Suivez son actualité sur @maudeloviva (pour les arts plastiques) et @maudarte (pour la photo)

→ Etienne Jeannot est comédien, assistant de production et modèle. Suivez son actualité sur Instagram @etiennejeannot25 

→ Cyrielle Blomme est modèle à plein temps. Suivez son actualité sur Instagram @cyriellemodelevivant